1) Multidys
Je suis une personne “multidys”. En fait, je suis une personne dyslexique, dysorthographique et dyspraxique. On parle de multidys dès que quelqu'un porte en lui ou en elle deux “dys”.
Je suis également une personne HPI, à savoir ayant un Haut Potentiel Intellectuel.
Il est important de comprendre qu'un “dys” n'est pas l'autre et que techniquement, il y a des personnes qui par exemple, ont du mal en à orthographier certains mots, mais n'éprouvent aucune difficulté en écriture, comme c'est mon cas. Pour dire vrai, il existe plusieurs niveaux de “dys”, et un “dys” n'est pas l'autre.
2) Mes expériences et mon diagnostic
Mon diagnostic est arrivé à l'école élémentaire. J'ai eu la chance de bénéficier d'aide familiale avec ma mère qui s'est énormément battue pour que je puisse être reconnu en tant que tel. Cela n'a pas empêché malheureusement le fait que je connaisse le harcèlement, ce qui a duré jusqu'à la fin de mon lycée.
Pour autant, j'ai pu trouver des moyens de renforcer ma confiance en moi. J'ai été élu délégué à de nombreuses reprises, notamment en classe de troisième et j'ai participé à énormément de Conseils de Vie Lycéenne. La danse et le théâtre que je pratique m'ont beaucoup aidé.
Mon expérience a également changé dans certaines matières. Moi qui étais très bon en mathématiques, mais qui n'aimais pas l'histoire et le français, j'ai vu mes intérêts s'inverser à l'entrée du lycée. J'apprécie les essais philosophiques, dans lesquels on peut débattre.
Après mon bac pro environnement, j'ai intégré l'université. C'est un peu différent, c'est un autre monde en fait, les étudiants sont plus adultes, plus ouverts. Actuellement, je suis en M1 et j'ai également en parallèle une autre formation au conservatoire.
3) Mes projets professionnels et étudiants.
Je suis directeur d'une micro-entreprise, ce qui signifie que j'ai dû apprendre énormément sur le tas. Il m'a fallu découvrir des notions qui jusqu'ici m'étaient totalement inconnues comme par exemple le droit de l'entreprise. Ce sont des notions que je dois approfondir en permanence, que je dois renouveler, que je dois reconditionner. De par ma fonction, je dois également prouver sans cesse que je sais négocier, que je peux distinguer l'utile du superflu, il me faut également gérer les demandes de municipalité, de subvention… En conséquence, je suis énormément sollicité , je participe aussi à des podcasts à la radio, j'ai d'abord enseigné à des mineurs non accompagnés. Et cela m'occupe énormément. J'ai une vie professionnelle très riche, et les rares fois où j'ai un moment de libre, c'est très vite comblé.
4) Mes aménagements et mes conseils
En tant que personne porteuse d'un handicap, j'ai la possibilité de bénéficier d'un tiers-temps et parfois d'un délai pour composer certaines épreuves que je passe auprès de la Mission Handicap.
Cependant, je pense que certaines mesures pourraient être mises en place. Je pense par exemple au fait de pouvoir composer depuis chez soi, afin d'apporter une zone de confort, qu'il faudrait parfois remplacer l'épreuve de langue par un substitut (une matière dans laquelle l'étudiant serait plus à l'aise) et peut-être même revoir les coefficients.
De plus, il serait plus légitime et nécessaire de partir de la racine en engageant des formateurs qui sont- eux-mêmes porteurs d'un handicap et qui par conséquent connaissent mieux le sujet de par leurs capacités, plutôt que de recruter des formateurs classiques. Ces derniers ne sont pas habilités, ils parlent d'un handicap, mais ils ne le vivent pas eux-mêmes. Alors, comment pourraient-ils réellement comprendre ?
De même, je suis assez écœuré quand je constate qu'aujourd'hui, on enferme encore les gens dans des cases. Je ne supporte pas qu'il y ait aujourd'hui des stéréotypes, des profils types tels que celui d'enfant victime qui comporteraient certains critères . Cela veut-il dire que lorsqu'on ne les a pas, on se fait jeter ? La plupart du temps, les personnes non porteuses d'un handicap ne se rendent pas compte qu'elles peuvent aussi blesser. Il y a de nombreux élèves que l'on juge sans réellement les comprendre, en fonctions de leur capacité à accomplir certaines choses ou non. On a déjà vu des élèves se voir recommander un métier qui ne leur correspondait pas du tout, juste en fonction de leurs résultats.
Mais les gens évoluent. Dix à quinze ans plus tard, ils ne sont jamais tout à fait les mêmes.
5) Note à tous les élèves des futurs générations, qu'ils soient ou non diagnostiqués porteurs d'un handicap
Je préfère être franc, cela sera très difficile. Vous allez subir beaucoup d'injustice durant votre scolarité. Je vous recommande fortement de ne pas vous laisser abattre. Même si certains jours sont difficiles, le bonheur peut venir après. Prenez par exemple les metteurs en scène Antoine Vitez et Jacques Copeau. Au début, ils ont souffert du rejet de leurs travaux et petit à petit, ils se sont battus pour qu'on les accepte.
Il faut se dire aussi que ce que l'on apprend n'est jamais acquis. Il faut sans cesse recommencer, ré-étudier, même en approchant la question sous un angle différent. Ne restez jamais sur vos lauriers.
Par exemple, lorsque je vais au théâtre, j'aime bien assister à des représentations de pièces qui traitent de sujets sérieux telles que les pièces d'Edward Bond.
Personnellement, je me suis donné comme mission de donner aux autres ce que moi -même j'avais dû chercher.
Pour finir, j'aimerais dire que le handicap, on vit avec, et au préalable, on doit apprendre à vivre avec. On dit de quelqu'un de malade qu'il est atteint d'une maladie (NDLR : Certaines maladies mentales telles que la schizophrénie sont à inclure) mais qu'il est porteur d'un handicap.
Propos échangés par téléphone avec M Andis Roussarie, directeur de l'entreprise Grandir Au Théâtre